Conseiller en Insertion Professionnelle : ZOOM sur un métier peu connu

Parmi les métiers méconnus par le grand public figure le métier de Conseiller en Insertion Professionnelle. J’ai eu l’occasion d’interviewer Morgane et Mathias, tous deux Conseillers d’Insertion Professionnelle (ont dit C.I.P) dans la région Lilloise, et de leur poser quelques questions à propos de leur métier qu’ils nous présentent dans les grandes lignes.

VOCALIB : Morgane, Mathias, bonsoir, vous exercez tous les deux le métier de Conseiller en Insertion Professionnelle, pouvez vous nous expliquer en quelques mots en quoi consiste votre métier ?

Mathias : notre métier consiste à accompagner des personnes, aux profils et aux parcours différents, et de leur permettre d’atteindre en quelques mois un retour à l’emploi durable. L’accompagnement commence par un entretien de diagnostic au cours duquel nous abordons la situation professionnelle de la personne, son projet professionnel, et qui va permettre de définir avec lui les domaines dans lesquels nous pourrons lui apporter nos compétences pour réaliser son projet dans les meilleures conditions : rédaction d’un CV, ciblage d’entreprises à contacter, exploitation de son réseau relationnel, maitrise des techniques d’entretien…

Morgane : nous exerçons notre métier dans une société qui reçoit et accompagne tous types de publics sans distinction d’âge, de qualification, ou de parcours. Dans d’autres structures le métier de CIP peut être différent et se concentrer sur un public plus ciblé, en fonction de la structure : personnes handicapées, jeunes de moins de 26 ans, cadres en recherche d’emploi ou d’évolution… Auparavant, pour ma part, j’ai exercé mon métier dans une Mission locale, qui accueillait un public de jeunes adultes, de 16 à 26 ans. L’accompagnement de ce public était différent, il s’inscrivait dans une perspective de temps long, avec un contenu directement adapté aux besoins de ce public : la santé, le logement, la lutte contre les addictions… Le métier de C.I.P. est donc très varié, et selon la structure au sein de laquelle on exerce la réalité du métier peut être assez différente. Souvent le Conseiller en Insertion Professionnelle est amené étendre son champ d’action au social, ne serait ce que pour lever les freins qui ralentissent ou contrarient l’atteinte de la cible professionnelle.

VOCALIB : si je comprends bien il n’existe pas un métier de Conseiller en Insertion Professionnelle… Derrière ce terme se dissimulent donc plusieurs réalités…

Morgane : oui effectivement selon le public que nous accompagnons et selon la structure dans laquelle nous exerçons le métier peut prendre des formes assez différentes. Mathias tu valides ?

Mathias : oui pour ma part je travaille dans le domaine de l’insertion professionnelle depuis un an et demi, après un parcours en Ressources humaines. Dans notre environnement actuel nous accompagnons un public plutôt autonome, souvent des cadres à la recherche d’un emploi. La diversité des postes recherchés, des profils et des expériences de chacune de ces personnes, mais aussi le fait que toutes les tranches d’âge sont représentées, du junior au senior, tous ces éléments apportent beaucoup de richesse à l’exercice du métier de CIP. Pour se faire une idée sur la richesse de ce métier il me parait d’ailleurs préférable de multiplier les expériences pour réussir à se faire une idée sur l’étendue des situations.

VOCALIB : quel est votre parcours, quel chemin vous a amené à exercer ce métier de C.I.P. ?

Morgane : en ce qui me concerne après le lycée je me suis orientée vers un parcours universitaire en licence de sociologie, car j’avais le projet d’exercer un métier dans le domaine social. Un terme très vague, à l’époque je savais que je voulais exercer un travail en lien avec l’humain, mais sans plus de précisions. J’ai obtenu mon DEUG de sociologie à l’Université de DIJON et pour des raisons personnelles j’ai du déménager en région Nord. J’ai choisi d’effectuer un Service Civique dans le domaine de l’insertion sociale et professionnelle au sein d’une structure associative, Sport dans la Ville, durant 9 mois. Cette période m’a permis de découvrir le métier de C.I.P. et ça a été une révélation. Sur les conseils de mes collègues je me suis inscrite à la Licence Professionnelle GA3P (Gestion Accompagnement des Parcours Personnels et Professionnels), une formation universitaire qui n’existe que dans les Hauts de France. Cette formation en alternance m’a donné l’occasion d’intégrer la Mission locale de Lille, à raison de deux jours par semaine, et j’ai découvert les bases de mon métier en accompagnant des jeunes bénéficiaires dans leur parcours d’insertion.

Mathias : j’ai également effectué un parcours universitaire, avec une licence Economie Droit Gestion suivie d’un Master Ressources Humaines en alternance dans les domaines de la Banque et de la Santé. A l’issue de ma formation j’ai intégré des postes dans le domaine du développement RH (missions de recrutement et de formation) dans les domaines de l’énergie et de l’industrie. Je ne m’y retrouvais pas complètement, en matière de relation humaines en particulier. Une personne de mon réseau professionnel qui exerçait le métier de C.I.P. m’a décrit son métier et les conditions d‘exercice et il m’a semblé que cette description était plus compatible avec mes attentes. J’ai donc candidaté et malgré le fait que je n’aie pas suivi une formation de C.I.P. j’ai été recruté sur la base de mes savoirs faire et des compétences développées précédemment.

VOCALIB : vous n’aviez donc identifié ni l’un ni l’autre ce métier de Conseiller en Insertion Professionnelle comme une cible potentielle… Vous avez découvert son existence en suivant vos chemins propres, et vous exercez aujourd’hui ce métier qui vous parait pouvoir répondre à vos envies, à vos valeurs, qui vous donne le sentiment d’être utile à des personnes qui ont besoin de vous pour dépasser certaines situations ou pour avancer dans la vie. Vous êtes amenés à prendre en compte les spécificités de la personne que vous accompagnez, et il vous faut donc individualiser votre réponse, ce qui semble enrichissant pour vous.

J’ai une dernière question à vous poser : selon vous aujourd’hui, sans parler des savoirs faire propres à votre métier, quels sont les savoirs être, quelles sont les qualités humaines ou personnelles qui sont utiles pour pouvoir exercer ce métier avec envie, avec motivation ? Que diriez vous a une personne qui se dirait que, au final, ce métier pourrait peut être convenir à ses envies,

Morgane : je pense, et Mathias me rejoindra certainement la dessus, que la qualité première est l’empathie. Avant tout donc, une grande empathie, savoir se mettre à la place d’autrui, essayer de comprendre, être flexible, c’est d’ailleurs probablement la clé qui amène la plupart des personnes à exercer ce métier. Mais attention, l’empathie nécessite une maitrise émotionnelle, on ne doit pas aller trop loin dans le fait de se mettre à la place de la personne ; on parle donc d’une empathie mesurée, qui permet de garder la distance nécessaire ce qui garantit qu’on reste efficace. Chacun d’entre nous reçoit 5 ou 6 nouvelles personnes par jour et il nous faut gérer cette charge émotionnelle quotidienne. Y compris en sachant laisser cette charge émotionnelle quotidienne au bureau le soir avant de rentrer à la maison.

Mathias : l’empathie est effectivement la qualité primordiale pour exercer ce métier très riche. Au delà de ça il est impératif de disposer de qualités en matière d’écoute active, de rester centré sur notre interlocuteur, d’être en capacité de rebondir sur ce que nous dit la personne en face de nous. La reformulation est importante à plus d’un titre, et elle doit se baser sur les éléments apportés par la personne durant l’échange. Nous allons devoir passer d’une situation à une autre, d’une problématique à une autre, rester efficace et ça c’est l’écoute attentive et centrée sur le bénéficiaire qui va nous le permettre. Et puis je citerais la curiosité, qui me parait être une qualité personnelle très utile pour se sentir bien dans ce métier. Le conseil et l’accompagnement que nous apportons aux personnes qui nous font confiance nécessite que nous restions en veille, en particulier sur l’actualité économique et sociale de chaque secteur d’activités, sur les évolutions des pratiques de recrutement, sur la culture professionnelle de chaque métier. C’est une composante importante de notre pertinence et donc de notre crédibilité professionnelle.

VOCALIB : Morgane, Mathias, merci à vous.